vendredi 7 mars 2008

Grillot de Givry, l'alchimie spirituelle



Et tu entendrais les blanches théories des Initiés te crier comme Dante :

Guai a voi anime prave Non isperate mai veder lo cielo !

tandis qu’elles s’éloigneraient pour jamais, triomphantes, dans la Lumière, et te laisseraient seul, au sein des ténèbres grandissantes, leur diazome sinistre s’étendant autour de toi !

Que cette pensée suffise donc à t’inspirer le regret de ta néglection du Magistère des Sages.

Plût à Dieu qu’il ne soit pas trop tard, et que tu ne te trouves déjà trop avancé dans la vie pour entreprendre de le parachever !

Car si l’ascèse n’a pas commencé au sortir de l’adolescence, il est douteux que tu puisses parvenir à la perfection. C’est dans ce sens que Nicholas Valois a dit : "Le Printemps avance l’Oeuvre". Et Saint Thomas d’Aquin : " Dans les premiers jours, il importe de se lever de grand matin et de voir si la vigne est en fleurs ".

Ce que les initiés crient comme Dante, signifie : malheur à vous âmes perverses, N’espérez jamais voir le ciel ! L'alchimie spirituelle, dont Grillot de Givry était parvenu à atteindre une parfaite maîtrise, ne peut se pratiquer sans certaines prédispositions essentielles à la réalisation de l'ouvrage. Savoir discerner ce que l'on peut attendre d'une chose, et ce que l'on ne doit pas en attendre, est une faculté que doit apprendre à cultiver l'oeuvrant. En reprenant cette belle et puissante formule de Dante, qui, je le souligne au passage, était lui-même un grand Alchimiste, — ayant eu une forte influence sur l'architecte de cet édifice dédié à Hermès qu'est la cathédrale gothique de Notre Dame de Paris —, Grillot de Givry ne fait que rappeler le principe de la Table d'Émeraude celui de la séparation du subtil de l'épais, du fixe et du volatil. Une âme perverse, par le poids considérable de son patrimoine karmique épais, n'a plus la faculté d'utiliser les ailes de ses Connaissances, pour s'élever vers le ciel... Cette perversité étant le résultat de la pratique de vices, constitue un lest rédhibitoire à toute possibilité d'élévation.

Avant qu'une âme ne devienne perverse, il faut d'abord qu'elle choisisse de le devenir, pour la bonne raison qu'il n'y a pas de malédiction hasardeuse et injuste. Lors de précédents articles dans l'académie d'Hermès Trismégiste, j'ai eu l'occasion d'évoquer, le fait que la nécessité du libre arbitre impliquait que nous ayons constamment le choix entre plusieurs possibilités, dont les nuances vont du plus sombre au plus clair. Pour que ce choix soit possible nous devons donc avoir en nous, autant de disponibilité à aller vers le sombre, que nous en avons pour aller vers le clair. La pseudo sainteté, comme le conçoivent certaines traditions cultuelles, qui voudraient qu'une Conscience ne dispose que de la faculté du Bien, sans avoir dans les mêmes proportions, la faculté du Mal, est une imposture contraire aux principes des Lois de la Divine Providence. Quel que que soit notre niveau d'élévation, nous sommes et resterons confrontés à ces choix possibles, c'est là le prix que nous devons payer pour notre totale liberté. Nous constaterons au passage, l'allusion subtile que fait Grillot de Givry, lorsqu'il dit : Et tu entendrais les blanches théories des Initiés... Les initiés font reposer leurs théories selon le principe de la clarté et de la blancheur, voilà qui est de même tonalité que mes petites indications ci-dessus.

Ce que nous appelons très improprement le Bien et le Mal, laisse supposer que la Divine Création a été capable de faire l'un comme l'autre, ce qui impliquerait, comme le dit si bien l'adage : que le Démon est Dieu inversé. Ici, Dieu, la Vérité Absolue et immuable, aurait une part obscure et malfaisante, qui serait si paradoxale avec cette Perfection ultime, qu'elle ne pourrait qu'engendrer la folie. La Science Hermétique ne reconnaît pas d'une façon aussi manichéenne, cette notion de Bien et de Mal, mais simplement un Bien positif, et un Bien négatif. L'involution, qui est une perversion de l'intelligence vertueuse, n'est jamais illimitée, car elle supposerait qu'il puisse y avoir une damnation éternelle, cela impliquerait que ceux qui s'y trouvent condamnés, seraient des erreurs du Divin Créateur, qu'Il rejetterait dans cette poubelle universelle. L'Enseignement des Tables de la Loi du Sépher de Moïse, nous indique, notamment dans le chapitre de la Genèse traitant du Déluge et de Noah, que la perversité des âmes n'est pas infinie, et qu'il y a un processus découlant des lois de la Divine Providence, qui permet d'en fixer les limites, et d'offrir constamment une rédemption possible. Ce Mal, cette voie d'involution, finit toujours par produire un Bien, c'est donc à juste raison que la Science Hermétique le considère comme un Bien négatif, cela évite au passage d'avoir à se faire une idée relativement basse et anthropomorphique du Divin Créateur, en lui prêtant la possibilité de pouvoir incarner le Mal. Pour illustrer mon propos je reprendrai cette citation d'une des lettres du Maître Koot Hoomi :

« Et maintenant j'en arrive à votre extraordinaire hypothèse que le Mal, avec son escorte de péché et de souffrance, n'est pas le résultat de la matière, mais peut être le sage plan du Gouverneur moral de l'Univers. L'idée peut vous paraître concevable, à vous, élevé dans l'idée fausse et pernicieuse des Chrétiens que “les voies du Seigneur sont impénétrables” ; pour moi l'idée est absolument inconcevable. Dois-je répéter encore que les meilleurs Adeptes ont fouillé l'Univers pendant des millénaires et n'ont trouvé nulle part la plus légère trace d'un tel faiseur de plans machiavéliques, mais partout la même loi immuable et inexorable. Vous devez donc m'excuser si je refuse absolument de perdre mon temps à propos de telles spéculations puériles. Ce qui est pour moi incompréhensible, ce ne sont pas “les voies du Seigneur”, mais plutôt celles d'hommes extrêmement intelligents en tout à l'exception de quelque marotte spéciale.»

Cette notion de Bien et de Mal, de Bien positif et de Bien négatif, n'est donc pas autre chose que le respect des Lois de la Divine Providence, impliquant leur connaissance ou de leur ignorance. Rappelons-nous toujours cet axiome des Tablettes de Thoth ; connaître les lois, c'est être libre. De ce qui précède il découle que la perversité des âmes réside bien dans l'ignorance, et que cette perversité dans laquelle certaines âmes se complaisent, est en réalité une absence de libre arbitre, puisqu'elles se trouvent, par la lourdeur de leur patrimoine karmique, clouées au sol de la plus basse condition, avec uniquement les choix obscurs de cette condition. Le Bien et le Mal ne sont pas à l'extérieur de nous, ils font parties de notre héritage depuis l'origine et pour toujours. Ceci nous renvoie à ces tropes si riches d'enseignements supérieurs, des Tables de la Loi du Sépher de Moïse et qui disent : Et-vous-serez tels-que Lui-les-Dieux, connaissant-le-Bien-et-le-Mal... Mystérieuse formule signifiant en réalité que la Connaissance implique la prise de Conscience de ce qui différencie le Bien positif, celui qui s'harmonise avec les Lois de la Divine Providence (l'évolution), du Bien négatif, celui qui n'est que la satisfaction de ses désirs, passion et émotions égotiques (l'involution), sans aucune préoccupation avec la splendeur et la symphonie de l'universel Bien positif. Pour parvenir à cette harmonisation, encore faut-il être capable d'activer sa capacité de discernement, celle directement en rapport avec son niveau de Connaissance. C'est d'ailleurs pour cette raison que ceux qui parviennent au plus haut niveau de connaissance qu'il leur soit possible d'atteindre, sont comme Lui-les-Dieux, sachant discerner le Bien du Mal : le Magistère des sages. J'ai déjà souvent eu l'occasion de signaler que la Connaissance, qui s'est approchée le plus de l'Universelle Vérité Absolue, acquiert certaines propriétés, comme l'intemporalité. Dans le Trope des Tables de la Loi, il nous est parfaitement indiqué que l'élévation de nos Connaissances, nous rapproche du ciel dont parle la formule de Dante qui se trouve dans l'extrait servant à cette étude.

Si une chose n'est ni un bien, ni un mal en soit, ces deux aspects n'étant que les polarités opposées de cette chose, l'analogie des contraires que doit pratiquer l'adepte de la Science Hermétique, - pour marcher sur la voie du juste milieu, sur laquelle se trouve la Vérité -, amène à considérer cette chose non plus sous l'angle réducteur et hétérogène de l'une de ses polarités, mais comme une réalité homogène nécessaire et en tout point conforme aux Lois de la Divine Providence. Je vous laisse approfondir cette définition qui renferme l'un des secrets des blanches théories des initiés.

Comme le Bien positif et indissociable du Bien négatif, il ne faudrait pas, par manque de discernement, arriver à penser qu'il n'y a pas de différence entre l'un et l'autre, et les mélanger dans une inextricable confusion qui mélangerait le vice et la vertu. D'autant, qu'au fur et à mesure que le champs de conscience s'élargit, la notion même de Bien et de Mal, expressions que je continuerai d'utiliser pour les commodités de la communication, change de nature et devient de plus en plus subtile, intelligente et sophistiquée, sans jamais disparaître. Le discernement subtil de chaque polarité positive et négative, est l'essence même de l'alchimie et de son pouvoir de transmutation. Sans vouloir pour le moment entrer dans cette pratique de la Haute Magie, ce qui serait prématuré, j'illustrerai mon propos par cette citation du Kybalion, qui contient en contingence d'être, les principes essentiels de la réalisation du Grand Oeuvre, qui est ce à quoi tente de faire accéder l'enseignement de Grillot de Givry :

« Les demi-initiés, reconnaissant la non-réalité relative de l’Univers, s’imaginent qu’ils peuvent défier ses Lois ; ce sont des sots insensés et présomptueux qui vont se briser contre les écueils et que les éléments déchirent à cause de leur folie. Le véritable initié, connaissant la nature de l’Univers, se sert de la Loi contre les lois, du supérieur contre l’inférieur, et par l’Art de l’Alchimie, il transmute les choses viles en des choses précieuses ; c’est ainsi qu’il triomphe. La Maîtrise ne se manifeste pas par des rêves anormaux, des visions et des idées fantastiques, mais par l’utilisation des forces supérieures contre les forces inférieures, en évitant les souffrances des plans inférieurs en vibrant sur les plans supérieurs. La Transmutation, non pas une négation présomptueuse est l’épée du Maître. »

...tandis qu’elles s’éloigneraient pour jamais, triomphantes, dans la Lumière, et te laisseraient seul, au sein des ténèbres grandissantes, leur diazome sinistre s’étendant autour de toi ! ... l'avertissement que donne le maître à son disciple est ici d'une parfaite clarté. La Lumière est la Connaissance, les ténèbres représentent un état d'ignorance, et les « diazomes» les puissances asservissantes qui viendront suppléer les carences et les faiblesses de celui qui n'ayant pas fait l'effort de s'élever vers le ciel, verrait s'éloigner les lumières libératrices et ceux qui se sont élevés jusqu'à elles pour les servir.

Que cette pensée suffise donc à t’inspirer le regret de ta néglection du Magistère des Sages... Magistrale manifestation de haute initiation de la part de Grillot de Givry. Ce qui rendra une âme perverse ou pas, commencera d'abord par la pensée, comme j'ai eu l'occasion d'en faire état longuement dans de précédents articles. Être négligent condamne aux pires perversités, mais pour sortir de cette perversité, encore faut-il parvenir à en prendre conscience, et cette prise de conscience passe par la pensée. La rédemption existe à tous les niveaux, et sur tous les plans, il suffit de la vouloir, et pour la vouloir il faut d'abord y penser. Car cette pensée qui sera de nature à produire le regret si nécessaire à un retour aux pratiques vertueuses du Magistère des Sages, est le repentir sincère qui permet à la Conscience de discerner ce qui est Bien de ce qui est Mal. Il faudra encore, après ce discernement, que la faculté volitive fasse un choix entre ces deux polarités, pour procéder à l'épuration de la Conscience. D'ores et déjà, notons que l'existence du regret reste quand même le début d'une rédemption possible, dont le processus ne demande qu'à être activé s'il est suivi par un effort de volonté. Ce que traduit Grillot de Givry, par cette habile mise en garde : Plût à Dieu qu’il ne soit pas trop tard, et que tu ne te trouves déjà trop avancé dans la vie pour entreprendre de le parachever !

Dans cette formulation il y a cette nécessaire gestion, du temps qui est celui de la durée d'une vie. Si la rédemption reste toujours possible, elle n'implique pas de dispenser l'oeuvrant d'avoir à réaliser le travail qui lui incombe de faire, (le nettoyage des célèbres écuries d'Augias dans les travaux d'Hercule), ce qui serait une entorse à la Justice Divine, qui veut que chacun ne reçoive que selon ses mérites. Non seulement il va falloir prendre Conscience que pour s'élever il faut sortir de la perversité, mais la sortie de cette perversité de pensées et d'actions, ne peut se faire qu'après un long travail de méditation et de pratique, Ora et labora. le temps est donc une donnée essentielle à la réalisation du Grand Oeuvre, et les indications que donne le maître à son disciple sont d'une parfaite limpidité, lorsque l'on en fait une lecture analogique :

Car si l’ascèse n’a pas commencé au sortir de l’adolescence, il est douteux que tu puisses parvenir à la perfection. C’est dans ce sens que Nicholas Valois a dit : « Le Printemps avance l’Oeuvre ». Et Saint-Thomas-d'Aquin : « Dans les premiers jours, il importe de se lever de grand matin et de voir si la vigne est en fleurs ».

La vigne nous renvoie au précédent article concernant le Cantique des cantiques de Salomon...

Le principe même de la grande transmutation alchimique, veut que la transformation d'un état dans un autre supérieur, ne soit possible qu'à la condition d'être parvenu à la perfection de l'état précédent. Dans le cas contraire, il n'est pas possible de parvenir au Magistère des Sages, et le travail alchimique restera inopérant.


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4 commentaires:

Vieux CHIBANE a dit…

"Personne n'est bon, si ce n'est Dieu" a dit le meilleur des maîtres.
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La clef des grands mystères (Eliphas Levi)

Le Gaulois libre a dit…

Ne soyons pas dogmatique cher Chibane, si la Bonté Absolue est assurément celle du Divin Créateur, il en est de la bonté, comme de l'intelligence, de l'amour et tant d'autres choses, qu'une vision manichéenne du tout ou rien n'est pas la plus subtile pour la comprendre...

S'il y a des degrés dans l'intelligence, l'amour et tant d'autres choses, il y a nécessairement des degrés dans la bonté...

Croire qu'une couleur n'a qu'un seul ton, c'est méconnaître les nuances subtiles de la lumière...

Enfin, me semble-t-il de là ou je me tiens...;-)

sa-ousir a dit…

hukk

Anonyme a dit…

L'humanisme, c'est le mal.

C'est l'ombre qui apporte la lumière, la nuit de percevoir les plus lointaines, dans les blessures de percevoir la vieillesse.

Dans la Nature Originelle de lire ces lois immuable, du Végét-AL s'illuminant par l' Anim'Al. Et l'Anim-AL pérennisé par le Végét'AL

De penser à Mère comme une Ovule devant livrer la Vie par delà le Cosmos. De savoir que le " pétrole" est le sang bleu de Mère la soulageant dans l'effort et qui la rend sublimée par rapport à la vieillesse d'une étoile.

Il est possible de redevenir sublimé même après la fin de la croissance du Corpus, car les lois sont immuable. La vérité oblige l'humain a replongé l'âme dans l'intégralité du corpus et se faisant comprends l'étendu de son infériorité vis à vis de l'animal, son frère, qui lui: est depuis toujours resté dans LA Voie.

En se croyant supérieur, hominidé à amputer sa cosmologie interne, déblatérant depuis ( parler est contraire à l'hermétisme,car consommation d'énergie, donc dépendance ). La vérité engendre l'Action, donc le silence, la fin du langage, la fin de l'histoire, le retour au cosmos.

A mort à l'Humanisme, l'Humanité

Merci de votre compréhension

PS: L'illumination c'est pour les débutant, le B A BA....