jeudi 20 mars 2008

La Bhagavad Gita.



Livre I, de la Bhagavad Gita, verset : 1.4

- Y vois-tu ces vaillants archers, qui au combat, égalent Bhîma et Arjuna ? Et combien d’autres grands guerriers, dont Yuyudhâna, Virâta et Drupada!

Livre I, de la Bhagavad Gita, verset : 1.5

- Dhrishtaketu, Chekitâna, Kâshîrâja, Purujit, Kuntibhoja, Shaibya, et tant d’autres encore, tous grands héros à la force remarquable!

Livre I, de la Bhagavad Gita, verset : 1.6

- Vois le remarquable Yudhâmanyu, le très puissant Uttamaujas, le fils de Subhadrâ et les fils de Draupadî. Tous sont de valeureux combattants sur le char.

Sur cet immense champ de bataille, qu'est celui où s'incarnent les Consciences dans la sphère temporelle, la Bhagavad Gita nous conte, au travers de ces luttes et de ces combattants, les épreuves que devront surmonter ceux qui parcourent ce jardin du Bien et du Mal, celui de l'épreuve des Connaissances.

Tous les combattants sont dignes de considération et d'intérêt, chacun possédant ses vertus en fonction des armes qui sont les siennes et du courage, de la volonté et de l'esprit de sacrifice qui animeront chacun de ces combattants. Les archers sont au combat aussi vaillant que Bhîma et Arjuna.

Bhîma qui est le Commandant en Chef de Yudhisthira, bien que Dhirstadyumna soit le titulaire de cette charge. Arjuna est l'ami de Krishna. Parmi les autres guerriers, nous trouvons Yuyudhâna qui n'est autre que le Cocher de Krishna, appelé aussi Sâtyaki. Virâta est le prince sur les terres duquel les Pâdavas vécurent quelque temps cachés.

Dhrishtaketu est le roi de Cedis. Chekitâna est un guerrier célèbre de l'armée des Pândavas. Purujit et Kuntibhoja sont frères, et sont parfois confondus. Shaibaya est le roi de la tribu des Sibi. L’expression : tous grands héros à la force remarquable, nous indique que chaque forme de Conscience qui se manifeste sur ce champ de bataille, possède les qualités et rangs correspondant à son développement karmique.

Dans le verset 1.6, il est indiqué, concernant les personnages cités, que ce sont tous de valeureux combattants sur le char. Dans toute la littérature bouddhiste et hindoue, le char est le symbole de l'enveloppe organique psychophysique. Les coursiers représentent les sens organiques, les rênes les liens qui unissent ces sens avec le Cocher (la volonté) qui lui, doit en être normalement le guide. Cette définition me fait inévitablement penser à la lame sept, le Chariot, du livre de Thoth (le Tarot), dont le hiéroglyphe représente un char tiré par deux sphinx de couleur différente (le vice et la vertu) et conduit par un conducteur qui symbolise la faculté volitive de la Conscience.

La transposition du langage analogique utilisé pour cette épopée ésotérique, dans le langage conventionnel est des plus délicate. Chaque archétype de Conscience se trouve symbolisé par la diversité des combattants du champ de bataille, leur fonction, et l'état de développement correspondant aux rangs militaires et aristocratiques qui est le leur, et qui correspond sans aucun doute à leur degré d'évolution karmique. Si nous devons considérer, comme je l'ai déjà signalé lors des précédents articles sur ce sujet, que le combat qui est mené sur ce champ de bataille, est celui de l'Esprit devant s'affranchir de la domination de l'ego et de la matière, en parvenant à en prendre le contrôle, toutes les expressions utilisées dans ce conte sont donc à considérer sous le sens Cachant, celui de l'interprétation la plus ésotérique, et en évitant de se laisser entraîner par l'histoire du sens Parlant qui ne s'adresse qu'à l'intellect raisonneur ; alors que le sens Cachant fait appel aux facultés spirituelles, dont l'intuition n'est pas la moindre. Tous les guerriers de ce champ de bataille, les Consciences avec lesquelles chaque combattant devra se confronter, se mesurer et/ou s'allier, sont vaillants, grands et forts. Cette vaillance est celle du courage qui consiste à faire l'effort de se présenter sur le champ de bataille pour éprouver les acquis de ses connaissances (patrimoine karmique) sur l'enclume de la bataille ; ou sera celle d'une folle témérité issue de l'ignorance drapée dans une prétention suffisante. Cette grandeur sera celle soit de la vanité, la grandeur des apparences inconsistantes, soit celle de la pratique de l'humilité qui seule est la base de toute véritable grandeur; et cette force sera soit la vertu cardinale, soit la pire des violences et cruauté, qui condamnerait celui qui y succomberait, à périr de la même façon qu'il fait périr ses adversaires, qu'il soit vainqueur ou vaincu. Chaque combattant est ainsi armé de ses vices et de ses vertus, et ce n'est que dans l'épreuve du combat qu'il pourra apprécier la vaillance et la qualité supérieure de son adversaire s'il est vaincu par lui ; et dans ce cas, il devra avoir l'humilité et la simplicité de reconnaître cette supériorité pour qu'elle lui soit profitable; dans le cas contraire, il devra savoir maîtriser sa victoire, et prendre en considération le combattant vaincu par lui, pour renforcer encore la puissance de ses armes et pérenniser sa victoire. Sa Force sera d'autant plus vertueuse, qu'elle lui permettra de dominer l'ivresse de sa victoire et des excès qui font sortir du juste milieu, le seul chemin où se trouve la Vérité.

Avant que ne commence la lutte qui opposera des forces contraires et inégales, chacun des combattants, et chacune des armées en présence sont convaincus de leur force et de leur supériorité. Sinon, il faudrait être suicidaire et terriblement inconséquent pour vouloir engager la lutte en ayant connaissance d'un état rédhibitoire d'infériorité militaire. Il y a aussi dans cette présentation toute militaire de l'incarnation de l'âme-de-vie, l'aspect (apparence) qui est celui auquel s'identifie si facilement l'Esprit. La tenue, les armes extérieures, les montures utilisées, sont là pour donner l'impression que le cavalier contrôle parfaitement sa monture, maîtrise l'emploi des armes qu'il porte, et se trouve habilement protégé par son armure et son expérience du combat. Ces certitudes, si elles ne reposent pas sur autre chose que des apparences et des illusions, trouveront dans l'épreuve, la confirmation de leur parfaite justesse, ou dans le cas contraire, seront à l'origine d'une défaite qui sera suivie d'un état de soumission et d'asservissement. Il est parfaitement habile, de la part de l'auteur de ce conte, d'avoir choisi un champ de bataille, et la diversité des combattants et des armées, pour nous enseigner, par le langage analogique, la rude épreuve initiatique qui attend la Conscience, qui se rend sur le champ de bataille de son évolution. Nous y trouvons, et nous y trouverons les similitudes qu'il peut y avoir avec ce qui est en bas, d'avec ce qui est en haut, sans pour autant qu'il y ait la moindre identité entre le sens Parlant et le sens Cachant, comme il n'y a pas la moindre identité entre la boucherie sanglante des combats de l'animal humain, d'avec les combats spirituels qui permettent de passer de l'inconscient à la Conscience.

Cet enseignement de la Bhagavad Gita, commence donc par nous indiquer, que la reconquête du trône des vertus se fera par la lutte, que cette lutte est la nécessaire épreuve des Connaissances acquises par chaque combattant, à la place qu'il occupera sur le champ de bataille. Ici, je me permets de faire remarquer que cela rejoint ce que j'ai expliqué dans ma dernière chronique dans l'académie d'Hermès Trismégiste, et qui veut que chacun soit à la bonne place au moment où il s'y trouve, lorsque se produisent les évènements; que la victoire n'est pas gagnée d'avance, car tous les combattants sont à considérer sous l'angle de la vaillance, de la force et de la grandeur; que la flèche d'un archer, n'est ni supérieure, ni inférieure en qualité et puissance, que la flèche d'un autre archer ; ce qui en fera l'efficacité sera nécessairement la façon qu'aura chaque archer de s'en servir, au moment le plus approprié et avec la détermination voulue, l'adresse et le talent qui seront les siens; que tous les véhicules, toutes les armes, tous les combattants, aussi différents qu'ils puissent paraître, ont leur utilité sur ce champ de bataille; enfin, la valeur des armes, et des armées résideront aussi dans la valeur et la compétence des chefs qui en assurent la stratégie. Ceux qui sont les plus élevés par les acquis de leur patrimoine karmique, sont en mesure d'assumer des responsabilités collectives dans l'intérêt de leur groupe. Ceci nous plante le décor qu'il y a entre l'individuel, et le collectif. Un combattant, aussi vaillant et héroïque qu'il puisse être, ne saurait être victorieux si l'armée à laquelle il appartient est en déroute, et cette déroute ou cette victoire collective, est d'abord de la responsabilité de celui ou de ceux qui ont à charge de la commander, et qui par conséquent, se trouvent être eux aussi à la bonne place au bon moment, quelque soit l'issue de la bataille.

Non seulement la Conscience doit faire l'épreuve du combat de l'Esprit et de la matière, mais en plus elle doit parvenir à sortir de l'isolement de son ego, pour intégrer le groupe auquel elle appartient et dont elle dépend et qui est son humanité. Là encore, l'allégorie du champ de bataille me semble être un des choix les plus pertinents pour transmettre à des complexions humaines naturellement barbares, violentes, agressives, égoïstes, ignorantes et paresseuses, un enseignement d'une très haute portée philosophique et spirituelle. Ceci rejoint le choix qu'ont fait ces grands Hiérophantes de l'ancien Temple de L'Égypte, qui ont choisi le vice pour véhiculer une partie de leur savoir, sous la forme d'un jeu de cartes (le Tarot), sachant que ce serait le plus sûr moyen d'en préserver la pérennité, compte tenu du fait que le vice est nettement plus répandu que la vertu.

Nous pourrions fort bien nous demander pourquoi l'épreuve du combat est nécessaire pour monter sur le trône des vertus ? Ce à quoi je répondrai d'une part, qu'il n'y a jamais qu'un seul prétendant pour occuper le trône des pouvoirs, et que d'autre part, l'élargissement du champ de Conscience ne s'acquiert que par la mise à l'épreuve de ses connaissances et de son patrimoine karmique. Sans cette mise à l'épreuve, (le fameux sentier de probation), il n'y aurait pas de possibilité de perfectibilité, et encore moins d'évolution. Et rien ne distinguerait les prétendants au trône, de celui qui en possède réellement les mérites et les vertus.

Nous pouvons d'ores et déjà, déduire de ce début d'enseignement spirituel, que la participation au combat est une nécessité pour celui qui espère reconquérir la souveraineté de son royaume (sa Conscience et son libre arbitre), et le refus de participer à ce combat, qui reste une possibilité offerte au libre arbitre, condamne au maintien d'un état d'évolution inférieure, mais aussi, par la faiblesse ou le manque de volonté, à une probable régression de cet état. Cette confrontation est celle qui résulte de l'existence du libre arbitre et des possibilités de choix qui sont offertes à la Conscience parmi toutes les voies du possible, allant de l'involution extrême à l'évolution autant qu'il est possible. La vertu n'est pas une disposition naturellement active, elle implique une volonté pour se manifester, et cette volonté, qui est aussi le principal attribut de la Conscience en éveil, s'exprime par la Force, l'effort, la lutte et le courage. Si, comme l'enseignent les Tables de la Loi du Sépher de Moïse, le discernement entre le Bien et le Mal est ce qui constitue l'essence de la Connaissance ; le combat que doit mener la vertu contre le vice est nécessairement sa déclinaison naturelle, l'action qui suit la pensée et la parole. Et sur le champ de bataille, chaque partie en présence est nécessairement convaincue d'être dans son juste droit et de défendre la cause la plus noble, ce n'est qu'après le conflit, qu'aparaîtront les forces et faiblesses des belligérants. Le trône des vertus (forces) devant obligatoirement revenir à celui et au camp qui les incarnent le mieux. La Justice divine est rigoureuse et n'accorde qu'à chacun selon ses mérites, et non selon ses prétentions.

Si le fruit de l'arbre de la Connaissance est bien la capacité de pouvoir discerner le Bien du Mal, le sceptre du pouvoir revient à celui qui a su mettre victorieusement à l'épreuve, cette Connaissance dans un combat épique tant sur le plan physique, intellectuel que spirituel. Car ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, et ce qui est bas est comme ce qui est en haut ; pour réaliser les miracles d’une seule chose.


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