jeudi 6 mars 2008

Le Cantique des cantiques de Salomon



1.6 Ne prenez pas garde à mon teint basané : c’est le soleil qui m’a brûlée. Les fils de ma mère se sont emportés contre moi, ils m’ont mise à garder les vignes. Ma vigne à moi, je ne l’avais pas gardée !

C’est le sujet de l’art ou la seconde matiere des philosophes exposée à l’ardeur du soleil dés sa jeunesse, car dans son origine et dans sa pureté sans melange elle n’estoit pas noire. Mais aiant esté corporifiée, elle a esté brulée du soleil. Car la semence tombée parmy les pierres dont il est parlé dans l’Evangille fut brulée et calcinée par le soleil, ce qui l’empecha de fructifier fautte d’humidité.

Ses ennemis l’ont establie pour garder leurs vignes (car elle peut appeler ennemis ceus qui ne l’emploent pas à l’usage où la sagesse l’a destinée) : elle n’a pas gardé sa vigne, fruict du paradis terrestre, lequel accause de cela n’est point venu à maturité, c’est à dire à sa perfection. Le feu ou soleil qui en est le principe, est la puissance du pere, qui a livré son propre fils aus persecuteurs. Ce soleil a noircy l’epouse dans les matieres differentes et specifiées, et dans la moins determinée elle paroist noire en presence de son soleil dont la splendeur eclipse ce qu’elle a de lumineus.

Le vignoble est le lieu ou croist la vigne. Le monde est le vignoble, dont nous sommes les serments de cette vigne au travers du tronc de laquelle nous devons fructifier, en y restant attachéz. Noé, peu esperimenté en l’usage du vin que cette vigne produit, s’en enyvra. Noé, apres la purgation et destruction faitte par l’eau de la race mauditte, accause du peché du premier pere et du fraticide, decouvrit sa honte, ce qui fut cause que son fils Cham (calor) s’en moqua, et luy lia ou couppa les genitoires. Mais Noé pretendant faire des enfans exempts de punition lorsqu’ils percheroient, et pretendant que canaham seroit de cette nature, il le maudit accause qu’il avoit esté occasion de cette pensée, et affin qu’il fust corrigé et amandé par cette soumission à ses freres à laquelle il l’assujetit. Cela a donné aux Ægiptiens de dire que Tiphon avoit demembré Osiris et jetté sa partie genitalle dans le Nil. Car l’eau purge la sulphureité excrementeuse que le feu fait paroistre dans la calcination. Cette eau par la beauté de sa vertu recouvre et cache cette laideur honteuse. L’eau pleine d’efficace repare l’immondicité produitte par le feu de la calcination.

Notre alchimiste nous guide dans les dédales de ce labyrinthe du texte extrêmement hermétique qu'est le Cantique des cantiques de Salomon. Il nous décrypte fort bien le sens qu'il convient de donner à ce verset si énigmatique. Rappelons pour mémoire que l'épouse qui s'exprime dans ce verset, est la faculté volitive parcourant le jardin du Bien et du Mal à la quête de son époux ; ce retour de la Conscience à l'âme-de-vie, son principe supérieur.

Le soleil qui est la source des lumières et de la chaleur fécondante a brûlé l'épouse au point de lui donner un teint basané. Nous pourrions traduire cette analogie par: l'épreuve de la Conscience au travers de sa faculté volitive, dans la sphère des manifestations temporelles, confronte cette conscience à son état d'ignorance dont le niveau vibratoire est si bas, qu'il ne peut supporter les lumières de la Connaissance du plan astral sans en subir quelques dommages. Un adage populaire dit fort justement qu'il y a deux choses ici-bas que l'homme ne peut pas regarder en face et qui sont : le Soleil et la Vérité. Ceci nous renvoie au précédent article dans l'académie d'Hermès Trismégiste concernant les hiérarchies supérieures qui ont en charges les destinées de l'espèce et qui se situent sur le plan astral. Dans la légende d'Icare, ce dernier parvient à s'évader du labyrinthe (symbolisant l'âme-de-vie enfermée dans sa prison égotique, et confrontée à la férocité animalière du Minotaure de sa forme physique), dans lequel il se trouvait emprisonné avec son père Dédale, ce sage qui, grâce à ses connaissances, parvient à lui confectionner des ailes artificielles (là encore, le symbole des ailes est celui qui renvoie aux enseignements spirituels les plus subtils, dans toutes les traditions ésotériques), mais Icare n'écoutant pas les conseils de sagesse de ce père manifestement initié aux mystères, utilise les connaissances spirituelles qu'il en reçoit en dehors des conseils de prudence de son instructeur ; conseils qui ne sont que les limites d'une pensée juste en Vertus. En s'approchant trop près du Soleil, avec une folle témérité, une grande inconscience et une vanité dévorante, il meurt en perdant l'usage de ces ailes artificielles en tombant lourdement dans la mer de l'ignorance. Dans cette remarquable légende d'Icare, nous retrouvons au travers du langage analogique, toutes les indications initiatiques que doit respecter l'oeuvrant. La pensée juste en Vertus est dans ce conte, symbolisé par le délicat et subtil fil de la belle Ariane...

Icare avait bien reçu un savoir, mais ne l’ayant pas préalablement éprouvé, il ne le maîtrisait pas ; ce n’était donc pas pour lui une véritable Connaissance, et les ailes de l’esprit qu’il reçut de son père n’étant pas les siennes, il ne pouvait donc espérer franchir les limites de ses propres compétences. Les lois de la Divine Providence sont implacablement justes, elles n’accordent qu’à chacun selon ses mérites, sans qu’il soit possible de tricher sur la réalité de ces mérites.

Notons que, dans ce verset, l'épouse qui a manifestement éprouvé son ignorance, n’a pas pour autant franchi des limites irréversibles, puisqu'elle n'est que brûlée au point de n'avoir que le teint basané, sans autres conséquences graves.

... mon teint basané ... Confrontée à la lumière du Soleil (la Connaissance dans sa forme Macrocosmique), l'ignorance de l'épouse lui donne ce teint sombre, car l'état d'une Conscience se manifeste dans une forme appropriée à son développement et selon les apparences qui correspondent à son patrimoine karmique. En ce début de cheminement dans le Cantique des cantiques, l'épouse n'a pas encore suffisamment éprouvé ses Connaissances, pour lui rendre le teint lumineux de sa forme glorieuse.

Les fils de ma mère se sont emportés contre moi... Une mère bien protectrice qui intervient par le truchement de ses fils manifestement plus évolués que ne l'est l'épouse de ce Cantique, pour la mettre en garde contre son ignorance et surtout sa vanité qui lui a fait manquer de mesure dans l'utilisation de son libre arbitre. En restant sur un point de vue terrestre et limité aux cinq sens organiques, cette historiette est d'une banalité et d'une inconsistante affligeantes. Seuls les sens analogiques et hermétiques permettent d'en saisir la puissance et la profondeur. Nous ne sommes jamais seuls, comme nous l'avons constatés lors de l'article sur l'extrait du maître Koot Hoomi, dans ce verset, enseignement venant d'une autre tradition, nous avons la confirmation de cette réalité avec laquelle nous devons apprendre à cohabiter. La faculté volitive, cette conscience en phase d'élargissement de ses champs du possible, au sein de la sphère de l'épreuve, avance avec une part importante d'inconscience (ce qui la relie à son archétype protecteur), et malgré un état d'ignorance certain, elle bénéficie des protections de ces fils de la divine Providence qui se sont mis au service de la fraternité humaine dans le but d'assurer, avec dévouement et discrétion, la protection des plus faibles. Nous retrouvons le même schéma cosmique, avec ses plans différents de manifestation, et ses hiérarchies reposant sur la sagesse acquise par le niveau élevé de Connaissance. Les fils se sont emportés contre l'épouse du Cantique pour l'éveiller aux dangers que son ignorance lui faisait courir, et qui sont du même ordre que ceux auxquels a été confronté Icare en abusant d'une connaissance reçue, c'est-à-dire sans l'usage des vertus. Voilà encore un secret extrêmement précieux qui vous est révélé dans cet article et qui se résume de la façon suivante : une pensée peut parfaitement être juste sans pour autant être vertueuse. La mise en pratique de cette pensée juste non vertueuse, finit toujours par faire fondre la cire qui maintient les ailes d’une pensée subtile, pour la faire retomber brutalement dans l’épais.

... ils m’ont mise à garder les vignes... Dans la Genèse, la première chose que fait Noé après le déluge, c'est de planter ce qui est considéré comme étant la première vigne, cette vigne il la tenait d'Adam, qui lui-même l'avait emportée du Paradis après son expulsion. Cette vigne dans toutes les grandes traditions antiques, symbolise l'arbre sacré, produisant la boisson des dieux, dont notre Noé ne saura pas faire usage avec tempérance, à l'image d'Icare, et devra subir, de la part de son fils, une amputation de ses organes reproducteurs... Le symbolisme de la vigne est d'une importance considérable, car il est cet arbre de vie, dont la Mishna affirme qu'il est l'arbre du bien et du mal, dont le fruit est celui de la Connaissance. Et comme il est clair, après avoir décrypté cette analogie et ce symbole, de lire que l'épouse de ce cantique, après avoir été astreinte de garder les vignes des autres, affirme : Ma vigne à moi, je ne l’avais pas gardée !

Cette vigne à elle, qui est le principe même de la connaissance, de sa connaissance, elle ne l'a pas gardée et il faut donc qu'elle apprenne non pas à reconstituer cette connaissance, mais d'abord à savoir la garder... Tout un programme qui implique un long apprentissage de la rigueur, de l'endurance, de la régularité et la maîtrise d'un savoir-faire.

Dans la pratique religieuse, notamment chrétienne, le vin, ce fruit de la vigne si chargé de symbolisme, est au centre du principal rituel celui de l'eucharistie. Il est donc d'une importance considérable dans un texte hermétique et ésotérique. De nombreuses tombes de l'ancienne Égypte sont décorées avec des vignes qui courent le long des murs des nécropoles. Dans la tombe de Nakt de la XVIIIème dynastie, il y a une représentation de cueilleurs de raisins sous une vigne lourdement chargée de grappes (riche de Connaissances). L'arbre de vie, le sang de la terre, la boisson des dieux, celle qui ouvre sur les Connaissances sublimes, voilà ce que symbolise la vigne, et le sens que nous devons lui donner dans ce texte hautement hermétique. Nous retrouvons dans la tradition Grecque la culture de la vigne et l'usage du vin qui sont attribués à Dionysos dont le culte est associé à la connaissance des mystères de la vie après la mort.

Nous pouvons constater que notre guide, Jean Vauquelin seigneur des Yveteaux, avait parfaitement entendu l'allégorie de ce verset, et que sa connaissance de la Science Hermétique était bien réelle, ce qui nous engagera, lors de la suite de l'étude de ce Cantique des cantiques de Salomon, à être extrêmement attentifs sur les commentaires qu'il nous apportera, exprimés dans ce vieux François si délicieux.


.

4 commentaires:

OseKa a dit…

Une "pensée" charitable, peut véritablement "panser" les peines du corps, de l'âme et de l'esprit... (pensée holistique)

A l'inverse, une pensée mal intentionnée (non ver-tueuse) peut se transformer - à l'extrême - en tueuse véritable.

Aussi, exite t-il un proverbe qui dit :
"Dieu occupe toi de mes amis, mes ennemis je les connais"...

A méditer...

Anonyme a dit…

Aussi, exite t-il un proverbe qui dit :
"Dieu occupe toi de mes amis, mes ennemis je les connais"...


hûm...Cette phrase utilisée à toutes les sauces (pardonnez l'expression) a connu bien de mouvances tant et si bien qu'il s'avère peu aisé d'en retrouver origine ; il est dit aussi "Dieu protège-moi de mes amis, mes ennemis je m'en charge" ce qui n'est pas forcément connaître ...intéressant il serait de connaitre sens que vous prêtez à cette phrase ...


A l'inverse, une pensée mal intentionnée (non ver-tueuse) peut se transformer - à l'extrême - en tueuse véritable.

et selon vous ...elle tue qui ...celui qui a formulé ou celui vers qui mal-intention est dirigée ... :-)

Bien à vous

OseKa a dit…

Effectivement la question est instructive...

Aussi, je réponds :

"Cela dépend"...

hypnomag a dit…

Que serait-ce qu'une pensée non vertueuse ?

Une pensée non porteuse de foi, d'espérance, de charité ?

Le non-Amour en quelque sorte.

S'il est sage de dire :
"Je suis celui qui se crée lui même"

son contraire est aussi :

"Je suis ce que je pense que les autres pensent que je suis"...

Fraternellement