mardi 8 décembre 2009

Les nouvelles lettres de cachet.




La distance qui vous sépare du bourreau est peut-être nettement plus réduite que ce que vous croyez naïvement.

Un des scandales les plus révélateurs de l’état de corruption de nos gouvernements et de sa technostructure se trouve actuellement caractérisé dans l’abus qui est fait, tant par l’exécutif que par le judiciaire, de la garde à vue.

Lors d’une dernière émission télévisée de la chaîne 5 : C dans l’air, consacrée à ce sujet particulièrement révoltant, l’excellent journaliste Yves Calvi avait réuni sur son plateau, entre autres personnalités, un représentant du principal syndicat de policiers, et le bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Paris, Me Charrière-Bournazel.

Ce dernier a d’ailleurs brillamment expliqué que les gardes à vue étaient France dix fois supérieure à ceux des pays européens comparables au nôtre. Que la Cour européenne des droits de l’homme avait rendu des avis déclarant l’illégitimité de ces gardes à vue abusives, et que par voie d’obligations réglementaires la France devait et devra respecter ses directives qui s’imposent à elle ayant force de loi. Ce «brillant» avocat a déclaré que pour ce qui le concerne, surtout après qu’un membre de son barreau ait eu à subir une garde à vue scélérate et infamante, il considérait dorénavant toutes les gardes à vue comme illégales et encourageait les membres de sa corporation à en faire autant.

Je remarque encore une fois, que les citoyennes et les citoyens de bases de ce pays peuvent subir des actes arbitraires et des abus de pouvoir, sans que nos avocats y aient trouvé beaucoup à redire jusqu’à présent, mais dès lors ou l’incendie commence à toucher la caserne des pompiers, on les voit sortir en vociférant et criant au feu, au scandale et à l’infamie.

Durant cette émission, le représentant du principal syndicat des policiers a ouvertement reconnu que l’excès (abus caractérisé) des gardes à vue venait du fait que maintenant les policiers devaient produire des résultats chiffrés. C’est vrai qu’avant la société se contentait de payer de plus en plus de fonctionnaires de police, dont la France est l’un des pays parmi les plus pourvues dans le rapport nombre de policiers par nombre d’habitants, sans jamais leur exiger de produire des résultats conformes à ce pour quoi ils étaient payés. Donc, ce fonctionnaire représentant publiquement les membres de sa profession nous a expliqué, sans même se rendre compte de son comportement arbitraire, illégal et parfaitement déloyal, que pour améliorer leurs statistiques ils avaient trouvé le moyen de pratiquer des gardes à vue pour tout et n’importe quoi, car leur nombre était pris en compte pour l’amélioration de leurs résultats statistiques.

Cet aveu public de dévoiement de la réglementation et d’abus de droit est déjà en soi une imposture et une forfaiture. Ce «brave» policier nous a expliqué, sans que jamais son sens «moral» ne semble troublé, que cette pratique était par ailleurs couverte par les magistrats charger d’en vérifier la légalité, car, expliqua-t-il, ils n’avaient ni les moyens ni les possibilités d’en contrôler réellement la conformité légale. Ce qui fait, nous précisa ce joyeux pandore entre les mains duquel sont confiées nos libertés individuelles, qu’ils peuvent se permettre de mettre en garde à vue n’importe qui pour n’importe quoi, ils se savent protégés et par leur hiérarchie et par l’incompétence, la complaisance coupable et la paresse des magistrats.

À ce niveau du débat, notre «brillant» avocat aurait dû bondir d’indignation et élever une vive protestation devant l’inacceptable violation des Droits de l’Homme, droits Constitutionnels réputés naturels, inaliénables, sacrés et imprescriptibles, car, il n’aurait pas dû ignorer l’article 9, de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui stipule :

Article 9 - Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

En quoi le fait d’arrêter un citoyen pour truquer des statistiques internes à une corporation constitue-t-il une obligation juridiquement indispensable ? En quoi les violences pratiquées par les policiers, comme le relatent les personnes qui ont été victimes de ces actes d’arbitraires, ont-elles été nécessaires ?

L’excès même du nombre de gardes à vue pratiquées en France démontre et prouve cette violation de ce droit à la présomption d’innocence, et accable la profession qui s’en rend coupable, la hiérarchie qui en permet la pratique, les magistrats incompétents qui laissent ces actes d’arbitraire se multiplier et le gouvernement corrompu qui, pour des besoins purement électoraux ou d’asservissement du corps social, permet cette pratique totalitaire qui n’est que la forme "modernisée" des lettres de cachet de l’Ancien Régime.

Notre avocat, bâtonnier de surcroît, c’est-à-dire représentant lui aussi de sa profession, n’a pas le moins du monde évoqué cet article 9, pas plus que l’article 6, dans lequel il est pourtant clairement énoncé : que ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis. D'ailleurs, il n’y a pas beaucoup de procédures qui ont été instrumentalisées par nos avocats, qui sont pourtant sur la ligne de front de la guerre qui se joue entre le totalitarisme d’État et nos libertés individuelles, et concernant la défense de ces articles si souvent bafoués par tous ceux qui ont pourtant la responsabilité d’en assurer la conservation.

C’est ce que j’explique et démontre dans mon dernier livre ; La Dictature à la Française.

Il serait temps que nos concitoyens si anesthésiés par l’ignorance de leurs droits et la résignation qui en devient de plus en plus complaisante, finissent par se réveiller dans le cadre d’un fort courant d’opinion au profit de notre vénérable Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, car sinon, en plus d’une dette monstrueuse que nous ne lèguerons aux générations futures, il y aura aussi l’héritage de nos lâchetés et de nos bassesses morales. Pas de quoi encourager la jeunesse de ce pays à suivre notre exemple...

Sans compter que contrairement à l’idée rassurante qui veut que tant que nous ne sommes pas directement touchés par une injustice de cette nature, on a la faiblesse de croire que le bourreau est loin de nous, alors qu’il est déjà dans notre ombre et que son souffle se fait sentir sur notre nuque si tentante à sa convoitise sadique.

L’insécurité de ce pays viendra bientôt plus des forces de l’ordre ayant échappées aux contrôles des magistrats laxistes et irresponsables, que des délinquants...


Mais un policier qui ne respecte pas les Droits de l'Homme n'est-ce pas autre chose qu'un délinquant ?





.

1 commentaire:

Setanta a dit…

L'Amérique a donné l'exemple avec son "patriot act" qui permet au pouvoir executif de mettre n'importe quel individu en garde à vue. Il suffit que vous soyez au mauvais endroit, au mauvais moment pour être soupconné et arrêté pour des actes non encore commis.

Copenhague a mit ce principe en action et arrête n'importe qui soupçonné de pouvoir commettre des actes répréhensibles, même s'ils n'ont rien fait.

Il ne faut pas oublier que le traité de Lisbonne autorise le pouvoir exécutif à faire feu sur vous s'il considère que vous êtes dangereux pour les autres.

Toujours envie de participer à des manifestations ? Bonne chance alors !